Victoire

Au premier jour de l'Automne, des hordes de paragéens se dressèrent au pied du Ben Telmn, le mont de l'ouest. Là, elles rencontrèrent les troupes septentriennes dans un combat titanesque. Nombreux furent les morts ce jour ci. La Pique Sanglante, elle, se rassasia du sang d'une centaine d'ennemis avant que son porteur ne tombe.
Au crépuscule, les légions de l'empire durent fuir en leur pays. Certains les pourchassèrent, mais Elhderic savait qu'il devait rester. Morkh l'appelait.

Il quitta ses habits de roi, et sa citadelle, bâtie par ses obligés des autres clans, en reconnaissance. Pour seul support, il accepta le soutien d'un bâton, ainsi que celui d'un berger de son clan. Tous deux escaladèrent la pente du Ben Morkh.
Ce que l'on sait de la fin de la légende nous vient du témoignage de celui-ci.

  La fin d'un Roi

Longtemps, le Roi et le berger marchèrent dans la montagne. Le vent ne les arrêtait pas. Au contraire, une douce brise semblait les pousser vers le sommet. Alors qu'ils arrivaient aux deux tiers de la montagne, une vision d'horreur apparut aux yeux du berger. Sur sept piques de fer étaient empalées les têtes des Filles Rouges, gelées par le froid mais sinon en tout point semblables au jour où Elhderic les avait rencontrées.
De stupeur, le berger lâcha la main de son maître, lequel continua à avancer.

 

Immédiatement, la brume se leva et sépara les deux hommes, alors qu'une bourrasque repoussait le jeune homme.
Alors qu'il le forçait à redescendre, le vent lui parla.
Le vent lui dit de retourner voir les tribus des Parages, les dignes fils de Morkh. Il lui dit que Morkh était un dieu glacé, ne s'intéressant pas à ce qui motive les mortels, et que les charmes
des Filles Rouges n'avaient eu aucun attrait pour lui. Par contre il avait aimé la bravoure de cet homme, qui avait défié les lois de ses ancêtres pour vaincre ses ennemis. En cela, il avait honoré l'esprit du défi, et il avait plu à Morkh, aussi Morkh avait-il étendu sa bénédiction sur lui.
Par contre que cet homme demeure Roi, il ne pouvait le permettre, car de l'unité venait la sécurité, et de la sécurité la faiblesse. Morkh venait donc de reprendre la vie qu'il lui avait prêtée pendant un an.

Le berger relata donc son message aux clans assemblés dans l'attente de leur Roi. Il leur dit que Morkh leur pardonnait cette union dérisoire, et qu'en temps de danger, de telles alliances seraient autorisées en l'honneur d'Elhderic, si les hommes pouvaient une nouvelle fois réunir les sangs des champions sur une pique de guerre. Le premier et dernier Roi des Parages n'était plus. Les tribus se dispersèrent, confiantes dans le fait que la faveur de Morkh restait leur.

Pour autant, les dix hivers qui suivirent furent les plus durs que les Parages aient connus.

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