L'ARRIVEE
Les premiers hommes vinrent d'au delà de l'Harmonde. Je le sais parce que mes ancêtres le savaient. Il arrivèrent aux commandes d'une dizaine de bateaux comme l'Harmonde n'en connaîtra plus de semblables. Taillés comme des flèches, formés de bois vivant, ces nefs glissaient sur l'onde sans donner naissance à la moindre écume, et les dauphins les suivaient par simple émerveillement. Si aujourd'hui les dauphins restent amis des humains, c'est par souvenir des nefs de nos ancêtres.
Venus de l'Ailleurs, nos ancêtres finirent par accoster les terres dans la région qui nous  abrite  encore aujourd'hui, les Parages.
Afin de commémorer ce moment glorieux, le plus grand des vaisseaux prit appui dans le sol et vit son bois y germer. A peine nos aïeux avaient-ils fini de s'installer sur le sol que le bateau était devenu un arbre de taille mémorable sur cette terre fertile.
Grande fut la réjouissance des premiers paragéens, et grandes furent les fêtes qui commémorèrent l'arrivée.

   LES FRUITS DE
                  LA DISCORDE
Après deux ans, l'arbre avait atteint une taille phénoménale. Certains vivaient dans ses branches sans jamais toucher le sol et ses branches avaient porté toutes les graines nécessaires à l'établissement des premières cultures. Pourtant, un beau jour à la fin de l'hiver, des fruits se mirent à pousser sur les branches de l'arbre.

Des premiers bourgeons, encore petits et fragilisés par le gel sortirent les saisonins du printemps : lutins, farfadets et satyres. Sociables et amicaux, ils se mêlèrent aux paragéens par leurs grâces sociales et apprirent d'eux à cultiver le sol et à profiter de ses largesses. Une fois intégrés à la société, ils firent une demande au conseil des anciens. Ils demandèrent à ce que les autres bourgeons soient coupés avant leur éclosion car de ceux-ci ne sortiraient que le chaos et la mort.
Le conseil délibéra longtemps, mais finit par refuser la requête des seconds nés. Les paragéens déjà ne craignaient pas le conflit et sauraient l'affronter tête haute. Les printannins s'inclinèrent et prirent congé des paragéens, une partie s'en allant coloniser l'Harmonde.

Au premier jour de l'été, les bourgeons les plus mûrs, gonflés par la sève, éclorent de la race des géants. Ces êtres débonnaires aidèrent leurs frères minotaures et ogres à sortir de leur prison végétale et vinrent se présenter devant le conseil des anciens. Les anciens les reçurent comme ils avaient reçu leurs cousins du printemps. Ils apprirent des humains comment se battre et accepter l'esprit du défi. Puis, comme les printannins avant eux, ils demandèrent audience au conseil des ancêtres. Celui ci les reçut, et tout comme ils l'avaient fait lors de l'entrevue avec les saisonins du printemps, ils refusèrent d'élaguer les branches de l'arbre de ses fruits trop mûrs.

Au premier jour de l'automne, les fruits pourris tombèrent à bas le sol, en même temps que les premières pluies. L'eau et

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